En ce mois de juin 2015, alors que l’Argentine manifeste massivement contre trois meurtres de femmes successifs (1), le Parlement de Colombie vient d’approuver la loi Rosa Elvira Cely qui condamne jusqu’à cinquante ans de prison tout meutres commis pour des raisons de genre. Cette qualification entraîne des circonstances aggravantes, Une loi nécessaire mais qui n’empêcheront pas les femmes de ce continent ensanglanté de continuer à crier :« Ni una mas !» (2).
Cette loi a été prénommée du nom de Rosa Elvira Cély, une femme de 35 ans, victime de violence et de torture sexuelle, le 24 mai 2012 dans le Parc National de Bogotá. Son agresseur l’a laissée pour morte. Elle appellera elle-même les secours mais par faute de soins, elle mourra quatre jours plus tard à l’hôpital. Quelques jours plus tard, fut arrêté Javier Velasco, un étudiant en cours du soir comme elle.
Ce crime horrible démontre la défaillance de la justice colombienne. Javier Velasco avait déjà été condamné pour le crime de Dismila Ochoa, à coups de machette, le 2 mai 2002. La médecine légale le reconnu pénalement responsable mais le juge réfuta cette qualification. Il fut alors interné dans un pavillon psychiatrique durant trois ans. Le 31 octobre 2003, il fut mis en liberté surveillée, malgré une expertise qui laissait présager un risque de récidive élevé. Il sortit au bout de dix-neuf mois. Apparemment, capable de réintégrer la société. Dix ans plus tard, Rosa en fut la tragique preuve contraire.
En décembre 2012, il sera condamné à quarante-huit années de prison.
La violence du crime, le fait que Rosa fut violée puis empalée par une branche d’arbre peut aussi témoigner de l’atrocité d’un pays en guerre où la barbarie n’a plus de limites. Certains y verraient même le signe du para-militarisme qui fit preuve de la plus absolue sauvagerie dans l’exécution de ses crimes (3). La machette, la torture, le viol : Javier Velasco, le fruit d’une société malade de son machisme, de cette militarisation à outrance ? Comme un petit air de ressemblance avec le Honduras, que nous avons traité dans un article précédent (4).
La loi Rosa Elvira Cély du 3 juin 2015 vient à point nommée pour tenter d’inverser les chiffres effrayants du féminicides dans le pays. La Colombie présente un des taux les plus élévés en Amérique latine, pas très éloigné de celui du Mexique. En 2013, 337 femmes furent assassinées et pour les deux premiers mois de 2015, l’institut de médecine légale déclare 126 femmes assassinées dont la majorité ont entre 20 et 24 ans. Selon le quotidien « El tiempo », une femme meurt tous les trois jours en Colombie. Pour exemple, dans le Cauca, zone ou nous sommes actuellement, le 26 mai 2015 fut retrouvée morte, une jeune indígène de 31 ans, Ana Nohemí Corpus Mestizo. Son corps denudé et montrant des marques de viol et de tortures fut retrouvé près d’un champ de café.
En ce qui concerne, les violences sexuelles, les chiffres sont tout autant édifiants. En 2010 1.409 femmes furent victimes de violence sexuelle par mois , soit 47 femmes par jour. En 2011, ce fut 1 581 femmes victimes de violences sexuelles par mois , soit 52 par jour. Une augmentation de 12,21%!
Cette loi vient s’ajouter à l’arsenal juridique de nombreux autres pays latino-américains, qui reconnaissent le féminicide comme crimes spécifiques (5) .
Le 23 juin 2015, le président Santos n’a toujours pas ratifié cette loi. Plus occupé à signer une paix de façade pour un pays qui s’enfonce, depuis un mois, dans un conflit de plus en plus ouvert avec les FARC. Et nous pouvons penser avec effroi que les femmes sont les premières victimes des hommes en armes. « Le butin de guerre » comme il se dit ici…
En France, le terme est entré dans le Petit Robert en 2014 mais pas dans la loi. Jean-François Bouvier, le père d’une des deux jeunes femmes assassinées à Salta (Nord-ouest argentin) en 2011, milite pour que la notion de féminicide figure dans le code pénal, en France aussi. « Ni una Rosa mas ! » a-ton envie de crier encore et encore. Dans toutes les villes et campagnes du Monde. Jusqu’à que cela ne soit plus qu’un cauchemar du passé.
Santander de Quilichao, 23 juin 2015.
(1) Meurtre de Chiara Paez, 14 ans, tuée puis enterrée dans le jardin de la maison familiale par son ex-petit ami de seize ans, aidé par des proches. Celui d’une institutrice de maternelle égorgée par son ex-mari devant ses élèves et enfin celui d’une femme, criblée de balles par son ex-compagnon éconduit alors qu’elle se trouvait à la terrasse d’un café.
(2) Pas une de plus !
(3) http://www.legrandsoir.info/colombie-empalee-feminicide-et-terrorisme-d-etat.html.
(4) « Honduras. Alto a los feminicidios! », publié le 22 mai 2015.
(5) Costa Rica (2007), Guatemala (2008), Chile (2010), Salvador (2010), Pérou (2011), Mexique (2012), Bolivie (2012), Nicaragua (2012), Argentine (2012), Honduras (2013), Panama (2013), Equateur (2014), Vénézuela (2014), Brasil ( 2015).
Incroyable tous ces meurtres de femmes et terrribles…. il faut réapprendre à devenir des hommes-humains.