Un triste jour de mai 2015. Une manif pour demander le retour des 43 étudiants disparus d’Ayotiznapa. La foule est compacte. Partagée entre colère et apathie. Soudain, une clameur. La foule s’écarte. Je m’attends à voir Moïse débarquer. Non, c’est juste un homme aux cheveux longs, à la barbe hirsute, portant un simple pantalon de toile et des sandales en cuir. Il incline la tête. Serre des mains. J’hésite entre un homme politique mais sincèrement, il n’a pas la dégaine. Plus une star de rock sur le retour. Je demande à la femme, à côté de moi. Elle me regarde ahurie comme si je lui avais demandé la route pour Mars. Puis hausse les épaules et tourne les talons dans un geste d’ostensible mépris. Hé-Oh! J’ai quand même le droit de ne pas connaître les grandes personnalités mexicaines !!
J’observe la foule et je m’approche d’un jeune au regard énamouré face à son idole. Doucement, pour ne pas le brusquer, je lui demande qui est en face de lui. Il me répond, d’une voix quasi mystique. El Maestro ! Il le répète à l’infini comme un mantra. El Maestro ! Un cri dans la foule, l’homme se retourne. Je croise son regard. Perçant. Presque magnétique. Je ne peux pas nier qu’il dégage une force incroyable. Un regard à la Picasso. Bon finalement, je n’étais pas si loin que ça…
Le lendemain, j’apprendrais par le journal la présence del Maestro Francisco TOLEDO à la manifestation de la veille. Un des plus grands peintres mexicains vivants. Mais cela n’est pas le plus important, j’apprendrais aussi qu’il est un infatigable défenseur des causes indigènes, un inlassable pourfendeur de la justice sociale et des droits humains pour tous. Oaxaca sera sa ville, celle où il laissera son empreinte, où sa générosité sera la plus prodigue. Beaucoup nous diront que sa grandeur n’est pas le fruit de sa célébrité ni même de sa richesse mais plus de son humanité.
Puis, nous sommes rentrés en France en se disant que la prochaine fois, on essaierait de le rencontrer et de faire un portrait de lui. Il avait la réputation d’être accessible alors pourquoi pas ! On avait juste oublier un détail. La mort, elle aussi voulait une interview exclusive. Elle nous l’a ravit le 5 septembre 2019.
Oaxaca
Lukas Avendaño. Bailando Bruno ( En español)
Hay espectáculos que actúan como una bomba de tiempo. El de Lukas Avendaño es uno de ellos (1). Mucho tiempo después de verlo en el festival de danza en Chiapas, las reminiscencias golpean mi memoria, los recuerdos exacerban mi deseo de conocerlo, lo antes posible. A veces basta con quererlo y atreverse a pedir que ocurra lo improbable. En una hermosa mañana soleada, en el patio del Instituto de Artes Gráficas de Oaxaca, Lukas cuenta su historia, se entrega, cuerpo a cuerpo. Totalmente dedicado al encuentro.
Fandango de la Candelaria.
Dias de fiesta en Guelatao de Juarez.
Lukas Avendaño. Bailando Bruno
Il y a des spectacles qui agissent comme une bombe à retardement. Celui de Lukas Avendaño en fait partie (1). Bien après l’avoir vu au festival de danse au Chiapas, des flashs percutent ma mémoire, des réminiscences exacerbent mon désir de le rencontrer au plus vite. Parfois, il suffit de le vouloir et d’oser demander pour que l’improbable se produise. En une belle matinée ensoleillée, dans le doux patio de l’Institut des Arts Graphiques de Oaxaca, Lukas se raconte, se livre, corps à corps. Entièrement dédié à la rencontre. Lire la suite
CODEDI, la finca Alemania, la defensa del territorio (En español)
Traducción: Ik Tzikel
En México, la autonomía se encuentra en todos los rincones del país. Sin embargo, en Santa Cruz Huatulco, esto no es obvio al principio. Carreteras rectas. Postes de luz bien alineados. Senderos de pasto bien limpiecito. Hoteles de lujo. Piscinas escandalosas. Las playas ahogadas bajo los parasoles Coca-Cola, cubiertos por la benevolente mirada de una bandera estadounidense. Bienvenidxs a una de las zonas hoteleras más grandes del sur del país, creada desde cero en los años 80, para competir con Acapulco.
A pocos kilómetros, en Santa María Huatulco, hombres y mujeres han construido otro mundo, lejos de estos paraísos artificiales. Con obstinación, a pesar de los golpes y la feroz represión del gobierno de Oaxaca, crearon el Comité para la Defensa de los Derechos Indígenas (CODEDI). Su centro de capacitación, ubicado en tierras recuperadas de Finca Alemania, será su laboratorio de vida y solidaridad. Aquí, hay una comunidad vibrante. Para crear una alternativa a este mundo capitalista al que se niegan poniendo el cuerpo y gritando.
Le CODEDI, la finca Alemania, la défense du territoire.
Au Mexique, l’autonomie se décline dans tous les coins du pays. Pourtant, à Santa Cruz Huatulco, cela n’est pas évident au premier abord. Des routes toutes droites. Des réverbères bien alignés. Des allées au gazon bien propret. Des hôtels de luxe. Des piscines outrageuses. Des plages noyées sous les parasols Coca-cola, couvées par le regard bienveillant d’un drapeau américain. Bienvenue dans l’une des plus grandes zones hôtelières du sud du pays, crée de toutes pièces dans les années 80, pour concurrencer Acapulco.
À seulement quelques kilomètres de là, à Santa María Huatulco, des hommes et des femmes ont construit un autre monde, loin de ces paradis artificiels. Avec obstination, malgré les coups bas et la répression féroce du gouvernement de Oaxaca, ils ont créé le Comité pour la Défense des Droits Indigènes (CODEDI). Leur centre de formation, implanté, sur les terres récupérées de la Finca Alemania sera leur laboratoire de vie et de solidarité. Ici, se vit une communauté en pleine effervescence. Pour créer une alternative à ce monde capitaliste qu’ils refusent à corps et à cris.
Teotitlán del Valle, la plaza ceremonial zapoteca bajo la iglesia
Desde Oaxaca. Mare Advertencia Lirika
Oaxaca, novembre 2014, une marche pour les 43 disparus d’Ayotzinapa. Á la fin du défilé, une jeune femme prend le micro. Elle rappe sa rage. Son flow est un cri. Une colère à fleur de peau. Un hurlement qui vient du plus profond d’elle-même. Sa voix nous scotche au mur. Nous bouleverse. Elle a pour nom Mare Advertencia Lirika. Après un tel choc, nous n’avons qu’une envie la rencontrer. Connaître cette jeune femme qui utilise le rap comme une arme pour dénoncer les violences faites aux femmes, qui n’hésite pas à braquer les projecteurs sur le racisme dont sont victime les minorités de ce pays. Une musique engagée qui sert aussi à valoriser les langues, la culture, les solidarités des peuples originaires. Mare Advertencia Lirika, à vous l’honneur.
Desde Oaxaca. El Taller Artistico Comunitario
Á Oaxaca, les murs racontent des histoires. Sur un mur bariolé, Zapata semble vouloir refaire sa révolution. La moustache vibrante de ses colères homériques. Plus loin, une gamine regarde des papillons s’envoler vers la mort qui plane au-dessus d’elle. Même pas peur ! semble-t-elle dire en disparaissant au coin de la rue. Posée sur une façade, une femme-fleur palpite au cœur d’un épi de maïs. Ses désirs sur le point d’éclore en mille morceaux.
Il s’agit de gravures de taille monumentale qui essaiment sur les murs de la ville. Un art de rue qui se veut à la fois esthétique et politique. Porteur de la tradition de l’art graphique dont peut s’enorgueillir México depuis plusieurs générations. Ici, les ateliers de gravures sont légions et pour mieux essayer de comprendre un tel engouement, nous avons rendez-vous avec Mario Guzmán, membre fondateur du Taller Artistico Comunitario (TAC).