Il n’y pas de hasard, il n’y a que des rencontres. Guerrero . Partie I

        Il y a des noms de villes qui resteront à jamais dans la mémoire. Iguala était connue comme le berceau de l’indépendance. Aujourd’hui, elle restera tristement célèbre pour le meurtre de six personnes et la disparition forcée de quarante-trois étudiants de l’école rurale d’Ayotzinapa.Mais on n’est pas vraiment là pour ça, on doit se rendre dans cette ville pour retrouver le peintre Nicolas de Jésus. Il nous a invité dans son village d’Ameyatelpec, pour la fête de la vierge de la Conception. Un bon « prétexte » pour entrer dans l’état du Guerrero.

      Le paysage défile à travers la vitre de la voiture. D’un geste, la femme de Nicolas nous désigne l’endroit de la deuxième fusillade des policiers sur les étudiants désarmés. On imagine les corps qui tombent. Plus loin, une colline innocente. On ne peut pas s’empêcher de penser aux centaines de fosses clandestines qui ont été découvertes ces dernières semaines. Il y a des paysages qui portent mal leur beauté.

        Le village est en fête. L’église s’est parée de couleurs. La Vierge est au centre de toutes les attentions. Des vieilles indiennes portent des joncs. Leurs longues tresses noires contrastent avec leurs beaux châles colorés. Les hommes, au vieux visage de sage, se cachent sous leur blanc sombrero. L’église est remplie d’encens et de murmures. On se croirait tout droit sorti d’un roman de Traven. Le soir, ils allument « les castillo de fuego », de hautes structures de bois cerclées de feux d’artifices. La nuit s’illumine de mille feux. Un mariage se déroule sur la place. La musique éclate de tout les côtés. On part se coucher dans une surenchère de sons et de lumières.
Le lendemain, un groupe de danseurs « Les chinelos » débarquent dans la maison de Nicolas. Ils sont plus d’une vingtaine, hommes, femmes, enfants. Enthousiastes, exubérants. Heureux d’êtres là pour Nicolas. Ils viennent de Chilpanchingo, pas loin d’Ayotzinapa. Ils dansent devant l’église. Des verres de mezcal circulent. La nuit se fait riante. De verres en verres. De bières en bières. La complicité devient évidente. La nuit se fait fraternelle. On danse. On rit. On n’a plus envie de se quitter.

        On se réveille en se disant qu’on va repartir avec eux pour le Guerrero. Presque une évidence. Ayotzinapa nous attire irrémédiablement. De toute façon, il est inconcevable voire inconscients de partir au Guerrero, seuls et sans contact. Ils se proposent de nous ouvrir leur réseau. On se retrouve tous entassés dans la première camionnette. En route pour la Communauté Indigène et Populaire Emperador Cuauhtémoc (CIPEC).

       Le voyage prend une direction inattendue. On est au comble de l’excitation malgré notre courte nuit. En pleine confiance avec des gens que l’on connaissait à peine la veille. Mais il y a des évidences qui ne se refusent pas.

        On s’arrête assez vite pour faire une pause bières ! Juste avant un pont. Les magasins du bord de route sont tous fermés. Gaby trouve cela étrange en plein milieu de semaine. Un homme s’approche d’Hugo et lui parle à l’écart. Il nous fait signe de vite remonter dans la camionnette. En fait, une fusillade vient juste de se terminer entre deux bandes rivales et le gars, sûrement un sicaire, nous a gentiment conseillé de partir. On comprend alors pourquoi tout est était fermé…
La peur me tombe dessus. Bienvenue dans le Guerrero me murmure-t-elle. Je regarde Alejandra. Elle me sourit doucement. Elle vit avec cette violence depuis toujours. Elle semble y être habituée même si pour elle, c’est toujours aussi révoltant. Elle n’a plus peur. Les autres essaient de parler d’autre choses. La fête de la veille revient au centre des conversations. Le mezcal apparaît comme par magie. Leur calme me rassure. Je sens que nous sommes entre de bonnes mains. Certaine d’avoir prise la bonne décision de ne pas partir seuls à l’aventure. Il y a des coins au Mexique où le voyage ne s’improvise pas. Il faut des guides de confiance. La CIPEC sera notre bonne étoile.

          Aussitôt arrivés, ils nous proposent une maison. Soi-disant, la propriétaire est partie à la capitale pour soigner son  fils mais lorsqu’on la rencontrera, on apprendra qu’elle est en fait chez sa vieille mère malade. Juste un prétexte pour nous laisser un espace à nous. Mi casa es tu casa encore et toujours. Une générosité qui nous laisse un peu sans voix. Et la question de comment réussir à les remercier un jour commence à s’insinuer dans notre esprit. Ce qui est sûr en tout cas, c’est que nous allons vivre dix jours de fraternité sans pareille. Notre voyage n’en est encore qu’à ses prémices mais on pressent déjà que cette rencontre sera à classer parmi les plus belles…

Boca del cielo, 7 janvier 2015

Une petite video faite par Nicolas de Jesus sur  la fete de la vierge de l’assomption a Amayaltepec :

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Une réflexion sur “Il n’y pas de hasard, il n’y a que des rencontres. Guerrero . Partie I

  1. ça doit être tellement bien de sentir que la france n’est pas le centre du monde…de la hipocresia.
    Gracias pour les textes et les images!

  2. Pingback: Les 14 ans de la Communauté Indigène et Populaire Empereur Cuauhtémoc | de l'autre coté du charco

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