8 mars 2020, les jacarandas sont en fleurs. Le mauve de ses feuilles répond à la multitude violette des féministes de Ciudad Mexico. En route vers le monument de la Révolution. Partout où le regard se pose. Il y a des femmes. Seules. En groupe. Comme si la ville leur appartenait. Les hommes semblent avoir déserté. Elles se tiennent par le bras. Rigolent à tue-tête. D’autres, les yeux au sol, portent leur douleur. Le poids du monde sur leurs épaules. Une fille assassinée. Une sœur disparue. Une amie outragée. Il n’y pas seulement les présentes dans le cortège, il y aussi et surtout, les absentes. Celles qui auraient du être là. Fauchées par la violence des hommes. Transportées par l’amour de leurs sœurs. En ce jour ensoleillé, les Mexicaines ont décidé de jeter leur rage à la face du patriarcat. Et ce ne sera sûrement pas la dernière fois…
MexicoDF
Samir Flores vive! VIVE !!
Au Mexique, les peuples originaires n’acceptent plus de vivre comme des chiens. Déterminés à résister, à lutter contre tous ces méga-projets de mort que leur concocte le mauvais gouvernement. S’exposer non pas pour soi mais pour sa communauté, pour une vie décente avec la volonté absolue de préserver la terre qui les a vu naître. Une Terre Mère qu’ils sont prêt à défendre à tout prix. Samir Flores Soberanes en est un exemple des plus frappant. Le 20 février 2019, il est assassiné de plusieurs balles. Depuis, un an, son visage émacié, sa fine moustache s’affichent dans tous les lieux de résistance. Pour rappeler que la lutte continue. Malgré les hommes qui tombent…
Calle Lopez, Cd Mx.
2 Octobre 1968. Le massacre de Tlatelolco
Au Mexique, l’Histoire se répète, balbutie, trébuche parfois. Qui auraient su dire aux 43 étudiants d’Ayotzinapa qui voulaient commémorer le massacre du 2 octobre 1968 qu’ils allaient eux aussi connaître le même sort. Qui aurait pu prédire que ces étudiants de 2014 allaient entrer dans l’histoire sanglante du pays, au même titre que ceux de 1968.
Tout cela n’est pas le fruit de hasard, ce n’est ni affaire de coïncidence, ni de mauvais alignements des étoiles. Il s’agit d’un pays où les gouvernements systématiquement suppriment toutes velléités de résistance, où les disparitions forcées, la répression brutale n’est jamais condamnée. Un pays qui efface sa mémoire, trafique son histoire, assassine ses enfants est un pays en proie à toutes les dérives. L’impunité se veut l’antichambre de l’horreur où les puissants s’échangent les « bons » procédés et donnent le blanc-seing à ceux qui poursuivent son œuvre.
Mais le peuple lui aussi sait se servir de l’Histoire. Pour se souvenir, ne pas oublier, réclamer Justice. C’est pour cela que ce 2 octobre, au même titre que le 26 septembre, ils reprennent la rue pour crier, exiger que cette violence d’État cesse. Ce 2 Octobre 2019, le peuple se remet en marche. Au Mexique, l’Histoire convulsionne. Il n’y a plus aucun doute.
A 5 años nos siguen faltando 43!
Ciudad de México. Ultima estación
El Monstro. La Ciudad de México mérite bien son nom. 22 millions d’habitants. Et combien d’âmes perdues ? Impossible à savoir. Tout va trop vite, trop fort. Les mouvements vont dans tous les sens. Sans but. Les points cardinaux semblent avoir perdu le Nord. Le sud n’existe plus. Ou seulement dans le creux de l’épaule d’un rêveur.
Une ville qui fourmille de mille vibrations. Mille surprises. Bonnes ou mauvaises selon le moment et le lieu. Ou selon sa chance aussi. Pour autant, une ville qui ne laisse pas indifférente pour celle et ceux qui partent à la recherche de sa beauté cachée. Parce que les cris sur les murs, les visages fatigués, les sourires discrets et toutes ces petites touches poétiques donnent une autre couleur, une certaine douceur au monstre qui sommeille au cœur de cette ville infernale.
Nezahualcoyotl. La ville et le poète.
Nezahualcoyotl. Roi, poète et architecte aztèque. Il donnera son nom à un des quartiers les plus importants de Ciudad de México. Il se dit aussi que c’est un des plus violents où les féminicides, les homicides sont parmi les plus élevés de l’état de México. Plus d’un million d’habitants Un quartier presque aussi grand que Paris intra-muros. Une démésure à la Mexicaine puisque sa capitale, elle, atteint près de 22 millions d’habitants.
Forcément, un quartier qui porte le nom d’un poète peut donner envie de faire de la poésie. Jonathan Ruiz, malgré les difficultés de vivre dans un quartier aussi chaotique, n’a pas hésité à saisir les mots pour parler de sa réalité quotidienne. Pour mettre de la couleur sur le gris des murs de sa ville.
Ayotzinapa. La grande manipulation.
Ayotzinapa. Juin 2018. 45 mois d’absence. 1369 jours d’une douleur indicible. L’impunité prime toujours. Le silence complice de l’État continue de tisser son sombre linceul. La Justice n’a jamais daigné jeter le moindre coup d’œil du côté de l’Armée. Et le manque se fait chaque jour plus cruel. Mais pour autant, en ce mois de juin 2018, quelques nouvelles vont redonner de l’espoir.